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Israël pratique-t-il l’apartheid ?

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La publication de la proposition de résolution nº 143 à l’Assemblée Nationale, par un groupe de 37 députés membres du PCF, de LFI, de EELV et du PS, le 13 juillet 2022, assimilant l’Etat d’Israël à un système d’ « apartheid » a provoqué un tollé en France. Au-delà des prises de positions, des communiqués et des pétitions, en notre qualité d’institution culturelle juive, nous avons demandé à Jean‑François Strouf, directeur adjoint de l’ECUJE, co-auteur de “Proche-Orient Mythes et Réalités” (CIDIP, 1987), d’analyser cette proposition de résolution et d’utiliser son expérience en matière de factchecking pour y répondre.

Nous lui avons notamment demandé de confronter les réalités israéliennes au référentiel historique de l’apartheid, fondé sur la recension qu’il a faite du livre “Système d’apartheid et politique de travail en Afrique du Sud” – Sékou Oumar Camara (édition L’Harmattan Guinée Conakry, 2016).

Le texte présenté ici est la synthèse de son analyse.

Yves Rouas, Président et Gad Ibgui, Directeur Général

Israël pratique-t-il l’apartheid ?

Par Jean-François Strouf, Directeur adjoint de l’ECUJE ; co-auteur de « Proche-Orient-Mythes et Réalités » (1987, CIDIP)

Sommaire de l’article :

  1. The Fakefactors : les faiseurs de FakeNews
  2. The Fakenews : les verbatim des FakeNews
  3. Ce que ces mots signifient 
  4. Cela relève de quels domaines ?
  5. Quel est l’objectif ?
  6. Définition de l’apartheid dans la loi sud-africaine et en droit international.
  7. Quelques questions essentielles
  8. Conclusion

  1. The Fakefactors : les faiseurs de FakeNews

Citons-les en partant du plus récent :

– Proposition de résolution nº 143 à l’Assemblée Nationale, par un groupe de 37 députés membres du PCF, de LFI, de EELV et du PS, le 13 juillet 2022 ;

– une proposition antérieure de 13 membres du Groupe Communiste, le 9 mai 2022 ;

– une pétition d’Amnesty International en février 2022 ; d’autres textes d’ONG, etc.

  1. The Fakenews : les verbatim des FakeNews

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0143_proposition-resolution

et notamment ces phrases :

« Le régime d’oppression et de domination des autorités israéliennes sur les Palestiniens dure, au moins, depuis le début de l’occupation israélienne en ce qui concerne les Territoires palestiniens occupés (1967), et depuis 1948 pour les Palestiniens d’Israël. »

« Le 22 avril 2020, Benny Gantz et Benyamin Netanyahou ont annoncé leur accord de gouvernement d’urgence avec au cœur de celui‑ci l’annexion de la vallée du Jourdain et des colonies en Cisjordanie, rendue possible dès le 1er juillet 2020. »

« La présente proposition de résolution tend à la condamnation de l’instauration d’un régime d’apartheid par Israël à l’encontre du peuple palestinien, tant dans les territoires occupés (Cisjordanie, incluant Jérusalem‑Est, et Gaza) qu’en Israël et en appelle à son démantèlement immédiat. »

  1. Ce que ces mots signifient :

« Les signataires du texte prétendent que la création d’Israël EST un régime d’apartheid depuis 1948 et en appellent à son démantèlement », c’est-à-dire à la destruction de l’État d’Israël.

  1. Cela relève de quels domaines ?

De celui de la banalisation et de la délégitimation. On compare un État ou un groupe en leur appliquant des termes qui s’appliquaient à une situation historique unique pour les délégitimer et appeler à leur destruction. Exemple : CRS=SS en mai 1968, Poutine traite l’Ukraine d’Etat nazi pour justifier son invasion du 24 février 2022 ; depuis les années 1970, des antisionistes ont appelé les terroristes palestiniens qui assassinaient les civils « Résistants » pour les glorifier et faire passer l’idée qu’Israël était un État Nazi. Parmi les gestes de glorification du terrorisme, en 2014, Jeremy Corbyn participait à Tunis au dépôt d’une gerbe sur la tombe des terroristes de Septembre Noir, assassins des athlètes israéliens aux JO de Munich en 1972. Jean-Marie Le Pen (La Dépêche 08/01/2009) : « Gaza est un camp de concentration. »

  1. Quel est l’objectif ?

Le 26 juin 1959, est fondé en Grande-Bretagne, le “Boycott Movement” qui n’est sans doute pas l’organisation dont les pressions auraient suffi à mettre à bas le régime de l’apartheid en Afrique du Sud mais qui a moralement fondé la conscience éthique entraînant la mise au ban des nations du régime d’Apartheid sud-africain.

En banalisant le terme d’apartheid, les FakeFactors souhaitent obtenir la même légitimité à boycotter Israël que celle qui a fonctionné pour l’Afrique du Sud.

  1. Définition de l’apartheid dans la loi sud-africaine et en droit international.

Nous avons recherché ce qui fait la spécificité de l’apartheid sud-africain en consultant les définitions juridiques qu’en donne l’ouvrage de référence : “Système d’apartheid et politique de travail en Afrique du Sud” – Sékou Oumar Camara, édition L’Harmattan Guinée Conakry 2016.

Le Chapitre III du livre précité, intitulé CONTEXTE JURIDIQUE nous livre la liste des lois et règlements fixés par le régime de Prétoria durant la période de l’apartheid. Nous avons conservé le plan de l’ouvrage et cité à chaque article les extraits les plus significatifs.

“A.1. Recueil des préceptes catalyseurs du cloisonnement des races

Protéger le niveau social et les emplois des Européens en prenant la couleur comme critère et sans tenir compte de l’intégrité et de la capacité des intéressés…” (p.30)

“A.2. Instruments et mesures législatives aux fins de ce régime

  1. Le South Africa Act de 1909 et le Republic of South Africa Constitution Act de 1961, qui réservent aux blancs l’accès au Parlement…” (idem)

Tous les autres articles de cette section exposent les droits des blancs et les interdictions imposées aux noirs, aux métis et aux asiatiques.

“B.1. Fonction de la ségrégation et de la séparation raciale

Créer des Nations africaines et des Communautés de Métis et d’Asiatiques, ce qui permet de cloisonner les races...” (p.31)

“B.2. Textes législatifs et moyens technologiques aux fins de cette fonction

La population Registration Act de 1950, qui astreint les individus à recevoir une classification raciale et à être immatriculés en conséquence…” (p.32)

Le livre se poursuit sur de multiples preuves que le fondement de l’apartheid est la séparation et la ségrégation entre les “races”.

Mais il y a un aspect qui ressort aussi de ce livre c’est l’organisation du travail :

“C.1. Critères de l’exploitation économique des ressources culturelles et humaines

Maintien d’un réservoir de main-d’œuvre à bon marché…” (p.33)

“C.2. Normes juridiques aux fins de ces objectifs

Le Bantu Labour Regulations Act de 1911, qui oblige les travailleurs africains à un emploi sous peine de poursuites pénales…”

Nous pouvons compléter ces définitions par celle qu’en donne La Convention internationale sur la suppression et la répression du crime d’apartheid qui dans son article 2 :

“qualifie d’apartheid les actes inhumains commis pour instituer ou maintenir la domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial afin de l’opprimer systématiquement.”

Pour être complets, le Robert en ligne donne de l’apartheid, la définition suivante : « Régime de ségrégation systématique qui existait, en Afrique du Sud, entre Blancs et Noirs (aboli en 1991). »

Puisque l’apartheid repose sur des textes juridiques et non sur une impression ou sur des éléments subjectifs, il appartient à celui qui affirme qu’un État “pratique l’apartheid”, d’apporter la preuve par des textes juridiques de ses allégations et notamment qu’il existe une législation de séparation et de ségrégation entre les “races”.

En quoi Israël NE PEUT PAS être un régime d’apartheid ?

Contrairement à ce qu’affirment les signataires de la proposition de Résolution N° 143, l’État d’Israël, depuis sa déclaration d’indépendance en 1948, accorde les mêmes droits à tous ses citoyens.

Le corps électoral en Israël est unique et comprend l’ensemble des citoyens quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse. Israël applique depuis son indépendance le principe “un homme ou une femme, un vote”. L’égalité des droits entre citoyens de différentes origines est affirmée dès la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël :

“Aux prises avec une brutale agression, nous invitons cependant les habitants arabes du pays à préserver les voies de la paix et à jouer leur rôle dans le développement de l’État sur la base d’une citoyenneté égale et complète et d’une juste représentation dans tous les organismes et les institutions de l’État, qu’ils soient provisoires ou permanents.”

Curieusement, dans les verbatim cités ci-dessus, les rédacteurs de la proposition N°143 (incompétence ou malaise), se réfèrent à une ancienne coalition, ignorant l’actuel gouvernement de Jérusalem (aujourd’hui intérimaire) et qui compte, en son sein, le parti islamique Ra’am, dont le leader Mansour Abbas a contesté le rapport d’Amnesty International, en déclarant publiquement le 11 février 2022 : “L’État d’Israël n’est pas un État d’apartheid“.

L’existence d’un tel gouvernement est la négation même de la notion d’apartheid.

Il n’y a aucune différence ethnique entre les Arabes israéliens et les Arabes palestiniens. Ce sont seulement les circonstances historiques qui les ont séparés. Par conséquent, il est indéniable qu’il existe des différences de droit entre Israéliens juifs et arabes, et Palestiniens arabes, citoyens de deux entités différentes, l’État d’Israël d’une part, l’Autorité palestinienne d’autre part. (L’Autorité palestinienne a été élue en 2006 et n’a pas renouvelé les élections présidentielles et législatives depuis cette date. Elle n’exerce pas son pouvoir sur Gaza, sous la férule de l’organisation terroriste du Hamas.)

La définition du régime d’apartheid en Afrique du Sud, créé pour séparer les races et constituer des Bantoustans servant de main d’œuvre à un travail obligatoire ne s’applique nullement à Israël. La situation des Palestiniens depuis 1967 résulte d’un conflit à l’issue duquel Israël a pris le contrôle de territoires et s’est substitué à l’occupation de deux autres États, la Jordanie pour la Cisjordanie et l’Égypte pour la bande de Gaza. Israël n’a jamais imposé aux Palestiniens l’obligation de travailler pour lui-même ou des entreprises israéliennes.

7. Quelques questions essentielles

Quels étaient donc les droits des Palestiniens entre 1949 et 1967 en Cisjordanie (occupée par la Jordanie) et à Gaza (occupée par l’Égypte) ? AUCUN. Nous avons recherché les démarches du Parti Communiste français durant cette période pour exiger le respect des Lois internationales par la Jordanie et l’Egypte et notamment la libération de l’Etat arabe de Palestine et n’avons rien trouvé.

Quel droit s’applique à un Israélien arabe (Arabe d’origine palestinienne, Bédouin, Circassien -Tcherkess-, Druze, etc.) quand il franchit la « ligne verte » ?

Le droit fondé sur sa nationalité, le DROIT ISRAELIEN et non celui fondé sur son appartenance ethnique, une preuve de plus que ni en Israël, ni dans les territoires, ne se pratique une discrimination de type « apartheid ».

Au vu des Verbatim « l’appel au démantèlement d’Israël », est-il un acte recevable à l’Assemblée Nationale après son adoption de la définition de l’IHRA en 2019 ?

8. Conclusion

Nul ne peut nier la situation difficile des Palestiniens dans les Territoires. Mais aucune solution au conflit national entre Israéliens et Palestiniens ne peut reposer sur le mensonge de l’apartheid, pour servir de prétexte à l’appel au « démantèlement » d’Israël, tel que le préconise la proposition de résolution nº 143 à l’Assemblée Nationale. En cela les signataires de cette proposition n’auront contribué qu’à un appel de plus à la haine et à la destruction.

Jean-François Strouf, Directeur adjoint de l’ECUJE ; co-auteur de « Proche-Orient-Mythes et Réalités » (1987, CIDIP)

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