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L’hérésie. Une tribune de Yves Rouas, président de l’ECUJE

28 Janvier 2022

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28 Janvier 2022

L’hérésie.
Tribune libre de Yves Rouas, président de l’ECUJE

Je suis un juif “traditionnaliste”,
Tu es un juif “libéral”,
Elle appartient au mouvement “massorti”
Vous vous définissez comme “orthodoxe”
Ils ou elles se reconnaissent comme “laïques” …
Et alors ?
Ne dit-on pas, souvent avec ironie, que lorsque deux Juifs discutent ensemble, il en ressort trois opinions ?

J’ai eu la chance, très tôt dans ma jeunesse, comme beaucoup d’autres, jeunes sépharades déracinés ou jeunes ashkénazes enfants de la Shoah, tous quelque part orphelin de leur identité juive, de rencontrer des éducateurs et des animateurs qui nous ont mis, ou remis pour certains, sur le chemin de cette identité juive, et je leur en saurai gré – nous leur en saurons gré – encore pendant longtemps !
On ne demandait pas, jusqu’à très récemment, à quel courant du judaïsme on appartenait pour être considéré comme juif.
Ce qui était important, c’était d’appartenir à cette communauté renaissante de toute part et en tous lieux.
Nous participions à un destin commun.

On venait nous chercher, et on allait chercher les autres, les isolés, ceux qui savaient mais qui étaient loin, ceux qui ne connaissaient rien mais qui voulaient apprendre, ceux à qui nous devions transmettre et qui allaient reconstruire, après la Shoah ou le déracinement, cette communauté aujourd’hui active et flamboyante à certains égards, riche en projets, en idées, mais aussi en désaccords…
L’important c’était de répondre présents, d’être militants actifs, et de faire en sorte de toucher le plus grand nombre.

Nos éducateurs-animateurs-référents religieux, et pas des moindres, prônaient la fidélité au message “Am Israël, Thorat Israël- Eretz Israël”, afin que chacun s’y reconnaisse, avec sa sensibilité, ses émotions, son éducation, sa famille… à sa manière et de façon inclusive, sans exclure l’autre.
Comme m’expliquait un grand éducateur et rabbin dans mon jeune âge “il n’y a pas de bons ou de mauvais Juifs, il y a des Juifs, POINT !”

Et pourtant, dans ces moments difficiles que nous traversons, encore et encore, de regain d’antisémitisme et de délégitimation de l’existence de l’Etat d’Israël, voilà que certains leaders communautaires très respectables, et pas des moindres, prônent l’exclusion au lieu de promouvoir le rassemblement et l’unité.
Parler d’Hérésie pour identifier certains courants du judaïsme constitue une erreur de langage dont les conséquences peuvent être importantes pour la cohésion de notre communauté et relève d’une certaine irresponsabilité communautaire.
C’est quoi l’hérésie ?
– Pour les Grecs, cela définissait une secte, “les religieux”, et s’appliquait pour la 1ère fois à ce qu’ils appelaient “les sectes juives” …hérétiques au sens de factieux.
– Pour certains Juifs, la définition serait plus large et s’adresserait au non-juif, à celui qui nie les fondements de la foi, à celui qui s’écarte des coutumes.
En quoi les courants libéral et/ou massorti répondent à ces définitions ?
Et quelles sont les conséquences de l’hérésie ?
L’excommunication, comme au 13ème siècle ?
L’exclusion des hérétiques d’une partie du monde à venir, sur qui s’appliquerait le châtiment éternel ?
Certaines œuvres de Maïmonide ne sont-elles pas aussi considérées par des ultra-orthodoxes comme hérétiques en raison de ses interprétations jugées quelques fois trop « libérales » ?
Pour certains extrémistes aussi, L’État d’Israël est considéré comme une institution hérétique.

Les mots ont un sens et avant de les exprimer il faut en étudier les conséquences.
Le judaïsme nous a appris à valoriser l’éthique de la discussion.
Les divergences doctrinales et les désaccords d’interprétation existent et sont retenus, mais ils n’ont jamais entraîné l’exclusion.
Parler d’hérésie crée inutilement une atmosphère délétère qui aboutit naturellement à l’exclusion et par conséquent à la division.
Or, l’appartenance au peuple juif se manifeste beaucoup plus par le partage des valeurs communes, des cultures et des pratiques religieuses, plutôt que par référence à un dogme uniformisant et finalement très éloigné de la tradition juive.
Que nous soyons donc traditionnalistes, libéraux ou massortis, orthodoxes ou laïques, le plus important est de trouver sa place et de revendiquer son identité juive.
Des études sociologiques ont déterminé que la communauté juive “organisée ou militante” représentent 20 à 25 % de la communauté juive de France : occupons-nous d’intéresser la partie dite “non organisée” plutôt que de diviser et d’exclure une partie de la partie dite engagée !

Yves Rouas

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